Mars 2018. Edith Kahbang Walla (Kah Walla) est partie de Douala pour Yaoundé pour assister à la dédicace du livre « Méditations de prison » du Dr Titus Edzoa. Elle se fait remarquer ce soir-là en prenant la parole pour évoquer l’alternance au pouvoir, son sujet fétiche en politique. Nous sommes alors à quelques mois d’une élection présidentielle pour laquelle Paul Biya est à nouveau candidat. Sauf que l’ancienne tribunesse du Social Democratic Front qui a depuis pris les rênes du Cameroon People’s Party (CPP) n’est pas candidate. Elle ne croit pas que l’alternance viendra par les urnes. En quittant le lieu de la dédicace, elle devise avec des cadres du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), qui s’enthousiasment pour cette présidentielle en pronostiquant leur victoire. Kah Walla sourit sans dire un mot de plus et s’en va.
Cinq ans plus tard, cette femme politique de 58 ans n’a pas changé de conviction. Elle continue de donner la voix pour le « Biya must go » (Biya doit partir) avec la même certitude qu’en 2018 que ce changement ne viendra pas par les urnes. C’est l’antienne qu’elle a à nouveau partagé alors qu’elle était l’invité du dernier Talk Po du cabinet Orin Consulting Group. « Personne ne peut gagner les élections au Cameroun tant que c’est le régime Biya qui les organise », a déclaré Kah Walla lors de ce Talk Po.
John Fru Ndi, son pygmalion
L’ancienne du SDF n’a pourtant pas toujours mis la crédibilité de l’élection présidentielle au Cameroun à l’index. La preuve elle se présente en 2011 sous les couleurs du CPP. L’issue de cette élection la propulse parmi les figures les plus représentatives de l’opposition camerounaise car elle termine en sixième position derrière le vainqueur Paul Biya, son pygmalion en politique John Fru Ndi et aussi Garga Haman Adji, Adamou Ndam Njoya et le magistrat Ayah Paul Abine. Kah Walla peut par contre s’enorgueillir de terminer devant des cadors de l’opposition comme Jean Jacques Ekindi et Bernard Muna.
Le bémol c’est son score : 0,72 % des suffrages exprimés, loin derrière les 77,99 % de Paul Biya. Ce gap est la parfaite illustration de ce que le pouvoir est géré comme une satrapie dans la Perse antique. En clair, ce gap ne va jamais s’inverser tant qu’une dictature gère la nation. « Aucune dictature au monde n’a été renversée par les élections », indique Kah Walla à l’intention des participants au Talk Po de Orin Consulting Group.
C’est pour cette raison qu’elle a boudé la présidentielle de 2018 et qu’elle ne va pas se présenter en 2025. Comme quoi, pour Kah Walla, le « Biya must go » viendra par un autre chemin que les urnes. Un coup de force, comme c’est le cas ces derniers mois en Afrique de l’Ouest ? L’invitée du Talk Po Orin de la semaine dernière est catégorique : « même si je suis 1 000 % pour le Biya must go, je ne cautionnerais pas un coup d’Etat au Cameroun ».
Elle ajoute : « le coup d’Etat a quelque chose de séduisant pour ceux qui veulent vraiment l’alternance, mais l’expérience montre que ces coups d’Etat ne garantissent pas toujours une transformation durable de la société ». Pas de doute : sur cette question la messe est dite. Pourtant il ne faut pas croire que Kah Walla a abdiqué en se remettant à la divine providence.
« Black Friday »
Elle n’hésite pas à faire entendre son bagout de militante intellectuelle partout où c’est possible. Mais c’est surtout loin des caméras que cette politique au caractère bien trempé poursuit le combat du « Biya must go ». La dynamique Kah Walla a, selon toutes vraisemblances, choisit l’action à la parlotte. Elle a pour cela lancé le concept « Black Friday » (vendredi noir). Sur une radio de Douala, elle expliquait que ce concept consiste à s’habiller en noir et à investir les rues tous les vendredis dans cette tenue pour protester contre la pensée unique que veut imposer le régime dictatorial de Yaoundé.
Quand ce n’est pas le « Black Friday », Kah Walla s’investit pour le « Stand Up Cameroon », qui appelle régulièrement les Camerounais à se mettre debout pour résister de façon civique à ce que la présidente du CCP appelle « la dictature de Yaoundé ».
L’idée-maîtresse chez Kah Walla c’est que le régime Biya sera balayé par une révolution « non violente ». Quelques précédents l’encouragent à continuer de battre le pavé. Il y a le cas du Balai citoyen, fondé en 2013, qui a balayé le régime du président Blaise Compaoré au Burkina Faso grâce à une mobilisation populaire et sans effusion de sang. Ce n’est pas tout car on peut aussi citer la révolution populaire qui a eu raison du régime de Omar el-Béchir au Soudan. Quid du Printemps arabe.
En attendant ce dénouement qu’elle souhaite de tous ces vœux, Kah Walla a partagé avec les membres du Talk Po de Orin Consulting Group son crève-cœur du moment : la crise dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (Noso). Elle croit que pour en venir à bout de cette crise sécuritaire, politique et sociale, il faut rapidement organiser un débat inclusif avec toutes les parties prenantes. Mais surtout discuter de la forme de l’Etat, un sujet classé tabou par le régime de Yaoundé. Difficile de savoir si la présidente du CPP va réussir à infléchir la tendance sur cette question. Seul l’avenir le dira.
Du côté du cabinet conseil en stratégie lobbying et influence ORIN CONSULTING GROUP, on promet que toutes les parties prenantes de la politique camerounaise, sans favoritisme sont sollicitées pour donner de la voix sur leur plateforme déjà engagée sur les prochaines échéances politiques. Du Rdpc à la société civile en passant par le mouvement des Frankistes et le PCRN, sans oublier le Mrc, les intellectuels et les lanceurs d’alertes…