Avant son arrestation le 27 août 2014, Abdoulaye Harissou était établi comme notaire dans la ville de Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord. S’il n’a pas changé de métier depuis sa sortie de prison, le 13 novembre 2017, Abdoulaye Harissou est toutefois définitivement passé de l’ombre à la lumière. Il ne semble d’ailleurs pas gêné sous les spotlights des médias. Il y a quelques mois il est revenu sur le film de son arrestation en se confiant au magazine panafricain Jeune Afrique avec la même antienne : dénoncer ses années de prison pour « non-dénonciation de tentative de putsch » et affirmer sa proximité avec Marafa Hamidou Yaya, l’une des anciennes pontes du régime qui vit désormais derrière les barreaux et présenté par une partie de la presse internationale comme le principal « masque de fer » du régime de Yaoundé.
« Deux mois avant qu’ils passent à l’acte, je savais qu’ils avaient prévu de m’arrêter, indique-t-il à Jeune Afrique. En effet, des rumeurs circulaient sur mon compte depuis l’arrestation, en avril 2012, de mon ami Marafa Hamidou Yaya, l’ancien secrétaire général de la Présidence, condamné à vingt ans de prison dans une affaire de détournement de deniers publics. Des gens me faisaient passer pour son gestionnaire de fortune et prétendaient que je préparais je ne sais quel coup pour le faire libérer. N’ayant rien à me reprocher, je ne m’inquiétais pas outre mesure ».
C’est donc un notaire habitué à la répartie, courtois et racé qui a accepté, en fin de semaine dernière, la posture d’invité du Talk Po Orin, une plateforme de discussion et de débat sur l’avenir politique du Cameroun initiée par le cabinet Orin Consulting. Mais c’est surtout un Abdoulaye Harissou droit dans ses bottes qui a accepté cet échange républicain afin d’éclairer la lanterne des Camerounais sur l’itinéraire mal connu de son ami Marafa Hamidou Yaya, emprisonné dans une cellule du Secrétariat d’Etat à la Défense (SED). C’est enfin un Abdoulaye Harissou qui pense que l’ancien secrétaire générale de la présidence de la République (SGPR) a tout pour diriger le Cameroun bien qu’il y a loin entre la coupe et les lèvres.
« Il [Marafa Hamidou Yaya] a tous les atouts pour diriger le Cameroun, mais c’est à lui de décider (…) Il y a par contre beaucoup d’aléas, surtout parce qu’il a été condamné. Donc même s’il le veut est-ce qu’il le peut ? » s’interroge le notaire lors du Talk de la semaine dernière.
Malgré cette précaution d’Abdoulaye Harissou, ce dernier est péremptoire : son ami va certainement jouer un rôle central dans l’avenir politique du Cameroun. Et pour lui, ce ne sont que des mots. Il en veut pour preuve que malgré son arrestation et sa condamnation, Marafa Hamidou Yaya reste une personnalité influente du marigot politique camerounais. Un poids que cet aristocrate peul de Maroua doit à une convergence de plusieurs facteurs accumulés au cours d’une longue carrière dans les arcanes du pouvoir et au milieu des ors du palais présidentiel.
Diplômé en hydrocarbures, Marafa Hamidou Yaya retourne au pays pour se mettre au service du Cameroun pressé de structurer son secteur pétrolier en amont. Il fait partie du groupe restreint d’expert qui devise avec le président Amadou Ahidjo sur la création d’une entreprise publique, qui va porter le nom de Société nationale des hydrocarbures (SNH). Marafa Hamidou Yaya est propulsé au poste de directeur de l’exploration et de l’exploitation. A ce titre, il est responsable de la recherche géodésique jusqu’à ce que le pétrole sorte du sol.
De la SNH à la présidence de la République, il n’y a qu’u pas. Il travaille comme conseiller du président Paul Biya qui lui confie un certain nombre de dossiers prioritaires. A l’époque, un baron du régime confie qu’il est l’un des rares jeunes du parti au pouvoir décrit comme compétent. « Il traite toujours les dossiers qu’on lui confie avec sérieux et efficacité », ajoute cette source anonyme.
Un des exemples qu’Abdoulaye Harissou a choisi de partager avec les membres du Talk Po Orin la semaine dernière est l’atteinte du point d’achèvement. Il jure que c’est bien Marafa Hamidou Yaya et feu Justin Ndioro, qui ont permis au Cameroun d’atteindre ce point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres et très endettés (PPTE) afin de bénéficier d’une remise de la dette. Pour le récompenser, Marafa Hamidou Yaya est nommé SGPR par le président Paul Biya.
Abdoulaye Harissou, le rire en coin, rappelle qu’à l’époque où son ami a occupé cette fonction pivot auprès du président, la Présidence n’était pas l’épicentre des scandales à répétition comme c’est le cas aujourd’hui : soupçons de corruption dans l’affaire Glencore, chantiers de la Coupe d’Afrique des nations, Fonds Covid, etc.
A l’Administration territoriale, Abdoulaye Harissou se rappelle aussi que Marafa Hamidou Yaya a fait du bon travail en lançant par exemple le processus de la décentralisation au poids mort bien que prévu par la Constitution de 1996. Le notaire ajoute encore que l’ancien SGPR a reformer la préfectorale poussive à son arrivée. Il a aussi sorti du chapeau des hommes qui sont encore usités à des postes de responsabilité important : les gouverneurs Lele Lafrique et Samuel Ivaha Diboua, le ministre Joseph Beti Assomo…
Si on en croit Abdoulaye Harissou, Marafa Hamidou Yaya est un homme d’Etat compétent, mais qui a surtout fait montre de beaucoup de personnalité. « C’était l’un des rares ministres qui disait la vérité au président Paul Biya », indique le notaire.