ET VINT FRU NDI…
Hommage au Chairman, Héro et Père de la démocratie camerounaise
Au commencement était…un enfer sur terre
Le pays vivait encore sous la chape des années de plomb et d’ acier héritées de l’ère Ahidjo. C’ était le temps du goulag Kamer avec des prisons politiques à Mentum, à Yoko et à Tchollire. D’être soupçonné de rédaction ou de distribution d’un tract, d’ avoir participé à une réunion qualifiée de subversive par les services de renseignements et la police secrète vous exposait à être expédié sur simple décision administrative, mains et pieds liés, dans un de ces centres d’ unternement au bout d’ un voyage qui durait des jours. Le pays vivait sous la coupe des Ordonnances de 1962 dites « Ordonnances contre la subversion » autorisées par une loi donnant les pleins pouvoirs à Ahidjo de l’ Assemblée Nationale de l’ époque, malgré la charge héroïque d’un discours de protestation contre cette mesure du député Kemayou Daniel qui mériterait d’ être retenue comme l’ une des pages inoubliables de l’ histoire de la résistance à l’ instauration de la terreur politique dans notre pays.
Ce sont ces ordonnances de 1962 qui justifiaient les BMM ou brigades mixtes mobiles, centres de tortures connus de tous et dans lesquels étaient détenus toutes personnes soupçonnées ou dénoncées pour pensée ou propos subversifs. On y était transféré sans être passé devant un magistrat et sans que votre famille n’ait été informée ni du motif de votre incarcération, ni de sa durée, ni de votre lieu de transfert. Les BMM relevaient de la DIRDOC ou Direction de la Documentation, sous la férule du terrible Jean Fochive. La DIRDOCétait l’ ancêtre du CENER et de la DGRE actuels et ses méthodes n’ avaient rien à envier de celles de la Gestapo Nazi. L’ efficacité mortifère des méthodes de ce complexe répressif était telle que la terreur était maîtresse de l’ esprit des populations qui étaient transformées en peuple lobotomisé et sidéré, habité par une peur permanente, un esprit dont les traces restent prégnantes jusqu’à nos jours, en dépit d’une certaine évolution de l’ environnement socio-politique.
Sous Ahidjo, en plus des massacres perpétrés dans les régions de la Sanaga Maritime et du Bamileke dans la chasse aux nationalistes UPCistes, des razzias des sympathisants du Parti des Démocrates opérées en pays Eton lesquels étaient expédiés à Mentum, on peut signaler comme exemple emblématique de cette terreur le cas dans les années 60 de Jean Jacques Ekindi alors étudiant de l’ Ecole Polytechnique de Paris venu en vacances au Cameroun et
incarcéré pendant des mois à la DIRDOC . On peut également citer dans les années 70 les cas de Bityeki Emmanuel, Ingénieur Centralien, DGA de l’ ONPC, Minkousse David, Ingénieur des Ponts et Chaussées, Directeur de l’ Exploitation au même ONPC, Mouen Gaspard, Ebelle Tobbo, ma cousine Elvire Tsanga soupçonnés de distribution de tracts, arrêtés et incarcérés pendant près d’ une décennie qui à Yoko, qui à Tchollire.
On se serait attendu a ce qu’à l’ avènement de l’ère Biya, sa proclamation disant qu’ « on aura plus désormais à entrer dans le maquis pour faire la politique au Cameroun » donne lieu à l’ abrogation des Ordonnances de 62 et au démantèlement du système répressif qu’ il avait généré. Que nenni! On verra plutôt Ekane Anicet, Yondo Black et autres être arrêtés, torturés et incarcérés. On verra Njawe Pius et Monga Célestin être incarcérés à la prison de New Bell pour délit de …presse, la nouveauté ici étant l’ instrumentalisation de l’ autorité judiciaire à cette fin.
Cette brève revue explique la peur panique qui avait pris possession de l » esprit des camerounais, au point où, pour l’ immense majorité de la population, exprimer une opinion politique dissidente ou plus grave, organiser une manifestation politique publique vous exposait aux pires ennuis et dangers. C’ est cet esprit et cette atmosphère qui prévalaient jusqu’au jour où John Fru Ndi a osé.
*Et vint Fru Ndi, le Père de la démocratie camerounaise en mode héros*
Par une marche organisée à Bamenda le 26 Mai 1990, le leader d’ un mouvement qui deviendra plus tard le SDF défiera le système et choisira la confrontation directe avec le régime. C’ est de cette confrontation directe que se réalisera la parturition dans le sang de la démocratie camerounaise. On relèvera des morts tués par le tir à balles réelles des forces armées du régime.
Ces événements surviennent au moment où le multipartisme était perçu comme un horizon inatteignable et comme une menace existentielle pour le régime en place. C’est donc un sacré courage qu’ il aura fallu à Fru NDI et à ses militants pour organiser cette manifestation dans un contexte où le régime en place semblait fermement opposé à toute ouverture politique comme en témoignent les multiples marches de protestation organisées dans tout le pays contre le multipartisme qualifié comme » précipité, une nouvelle denrée à la mode, importée de l’ extérieur ».
Les menaces et les intimidations des forces de l’ ordre n’ entameront en rien la détermination de Fru NDI qui a maintiendra sa marche à Ntarikon Park avec ses militants ce Samedi 26 Mai 1990 dans une ville de Bamenda assiégée par les forces de l’ ordre. Des milliers de personnes avaient alors défilé pacifiquement mais les forces de l’ ordre avaient réagi violemment.
Le bilan de la manifestation fut lourd : six personnes dont quatre étudiants seront tués, du sang qui n’ aura pas coulé en vain puisque l’ année suivante, le SDF sera reconnu officiellement en même temps que d » autres partis politiques voyaient le jour .
*Don’t trust this regime*
En dépit de cette évolution, le leitmotiv du Chairman restera toujours: « Do not trust this regime ». A l’ exemple de Martin Luther King qui après Selma monta a Washington, après Bamenda, Feu Ndi montera à Yaounde et viendra contaminer de son courage la classe politique en nous engageant toujours à marcher, à protester, pour faire bouger les lignes. Et nous marcherons, sur l’ asphalte de Yaoundé, pour l’ informatisation des listes électorales, pour obtenir le dessaisissement du Ministère de l’ Administration territoriale du processus électoral. Et nous marcherons avec le Chairman toujours au premier rang comme sur la photo, ayant convaincu les autres leaders de partis de descendre de leur piédestal pour des actions communes sur le terrain requérant un engagement physique. Nous marcherons, le Chairman toujours au premier rang, avec les regretté Ndam Njoya de l’ UDC, Moukoury Maka du MDP, Antar Gassagay du PNP, Sanda Oumarou et autres, malgré les brutalités dont nous étions victimes semaine après semaine de la part des forces de l’ ordre qui prenaient plaisir à nous immobiliser des heures durant sous le soleil. Le Chairman lui nous exhortait à revenir jeudi après jeudi, soit au Marché Central, soit à la Poste Centrale, soit devant la Primature. Et chaque fois, nous étions encerclés par une escouade de policiers et de gendarmes casqués et armés qui n’ hésitaient pas à nous brutaliser pour nous empêcher d’ avancer.
Un jour devant la Primature, un Gendarme tira sur le Chairman, le ratant de peu. Cela ne l’ intimidera pas puisque la semaine d’ après, il se retrouvera toujours au premier rang de la manifestation. C’est cette pression qui contraindra le régime à se résoudre à créer l’ ONEL ensuite ELECAM pour sortir les élections d’ Elecam des griffes du MINAT et de ses Sous- Préfets.
Jamais le Chairman ne se laissera impressionner par les mesures cosmétiques du Gouvernement. Au contraire, il poussera l’ action jusqu’à encourager l’ initiative d’ ôter au pouvoir sa légitimité en engageant l’ opposition à boycotter l’ élection présidentielle de 1997. Nous serons trois à signer le mot d’ordre de ce boycott: le Chairman pour le SDF, le Pr Ndam Njoya pour l’ ‘ UDC et votre serviteur pour l’ UNDP. Cet acte majeur contraindra le régime à accepter de manière formelle le principe du partage du pouvoir avec la signature de la plaforme UNDP- RDPC, dans le cadre général de l’ instauration de la *Démocratie Apaisée*.
Pendant la période de tractations qui a suivi le boycott, le Chairman restera dubitatif sur la volonté réelle du régime à promouvoir la démocratie. Il m’ interpellera un jour au moment du rétropédalage du régime sur les points essentiels de l’ Accord de la Tripartite, rétropédalage ayant donné lieu au rétablissement du septennat et à la suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels. Cet acte le confortera dans son apothème: *Don’t trust this regime* La neutralisation par le régime des effets et des outils de la démocratie sur la gouvernance, alors même qu’ il se proclame parangon de la démocratie établira au final que sur ce point, le Chairman voyait juste.
L’ opinion populaire a consacré Um Nyobe comme promoteur de la conscience nationale et Ahidjo comme architecte de l’ État. Par son courage et sa ténacité, John Fru Ndi mérite le titre *Père de la Démocratie Camerounaise* dans le Panthéon Mémoriel que nous lui dédions. C’ est sur cette stèle de granit patriotique que les citoyens devront déposer leurs éloges afin que le temps ne donne à l’ oubli la force de l’ effacer de nos pensées. Ainsi se préservera dans l’ esprit et la conscience du peuple la grande œuvre réalisée par Ni John Fru Ndi au bénéfice de de notre pays, toute chose qui devra lui valoir à jamais la reconnaissance de la Nation.
Sa Majesté Célestin Bedzigui
Président du Parti de l’ Alliance Libérale
Élu local